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Deuxième étude de l’Observatoire National de l’Entrepreneuriat Familial français : Entreprises familiales et COVID, quelles tendances pour le monde d’après ?
Reconnue pour son expertise en France et à l’international, La chaire Entrepreneuriat Familial et Société d’Audencia lançait en juin 2019 l’Observatoire National de l’Entrepreneuriat Familial, en partenariat avec le FBN (Family Business Network) France. Celui-ci a livré ce matin, au cours d’une table-ronde organisée au sein du Médiacampus, les résultats de sa deuxième étude, administrée par OpinionWay. Son objectif? Définir les grandes tendances des entreprises familiales pour le monde d’après COVID, pour mieux appréhender leurs caractéristiques intrinsèques et identifier des points de vigilance à travailler, afin de renforcer leur pérennité et leur croissance.
Les entreprises familiales représentent une part importante dans l’économie française. Leur solidité financière leur permet d’être plus résilientes face aux crises et de pouvoir se projeter sur le long terme mais jusqu’à quand ? Pour perdurer et rester compétitives dans cette période COVID, les entreprises familiales et non familiales doivent résister aux turbulences : comment font-elles ? Quels sont leurs nouveaux défis ? Quels enjeux pour la gouvernance de l’entreprise au fil des générations ? Comment la culture entrepreneuriale et la culture familiale cohabitent-elles en période de crise ?
Autant de questions auxquelles l’Observatoire national de l’entrepreneuriat familial répond dans ce second rapport. En comparant les réponses récentes données par les dirigeants d’entreprises familiales (EF) et non-familiales (ENF) à celles de 2019, réalisées avant la période COVID, les résultats mettent en lumière des constantes ainsi que des changements intervenus lors de la crise. Les entreprises familiales ont su traverser la crise COVID avec succès, gardant leur confiance en l’avenir intacte par rapport à 2019. Leur résilience s’est concrétisée en une démarche d’innovation encore plus forte qu’en 2019, en une réflexion encore plus poussée autour de la RSE, et un renouvellement certain de leurs pratiques de gouvernance. Toutefois, les résultats montrent aussi que des angles morts persistent, aussi bien pour les entreprises familiales que non familiales.
La crise sanitaire n’a pas d’impact sur le haut niveau de la confiance en l’avenir économique des entreprises
9/10 des dirigeants des entreprises interrogés restent majoritairement confiants en l’avenir économique de leur entreprise pour les 5 prochaines années :
- La crise du COVID n’a pas entamé cette confiance (91% en 2021 et 93% en 2019).
- Le nombre de dirigeants « tout à fait confiants » a même doublé entre la première et la deuxième édition de l’Observatoire (32% en 2021 contre 16% en 2019).
Les dirigeants des entreprises familiales sont plus optimistes (38%) que leurs homologues des entreprises non familiales (29%) en 2021, avec une réelle progression depuis 2019. Les dirigeants ont donc une vision plutôt positive des résultats de leur entreprise. Ceci est notamment le cas des PME, ETI et GE. Plus de 90% de leurs dirigeants estiment que leurs entreprises ont été performantes en matière de chiffre d’affaires contre 82% pour les TPE.
Malgré la pandémie, le niveau de confiance des entreprises familiales est supérieur à celui des entreprises non familiales. Les dirigeant sont plus confiants dans le développement de leur entreprise, sa croissance et sa pérennité. Le modèle unique des entreprises familiales, basé sur le financement en fonds propres et une trésorerie solide, a été un réel atout pour traverser la crise COVID. En faisant le choix, par exemple, de puiser dans leurs ressources propres, elles ont pu garder leurs effectifs et investir dans la R&D.
Des salariés confiants pour l’avenir, avec une vision plus contrastée s’ils travaillent en famille
Au cœur des entreprises interrogées, 7 salariés sur 10 se disent optimistes quant à l’avenir économique de leur entreprise pour les 5 prochaines années (67% pour l’année à venir) :
- Les salariés des secteurs de l’industrie et des services sont les plus confiants, en particulier les 50-64 ans (75%). Ces derniers ont connu plus souvent des crises et des bouleversements sociaux que les 25-34 ans. À l’image des entreprises familiales, ils sont devenus plus résilients face aux difficultés.
- Les résultats de l’Observatoire montrent qu’ils sont majoritairement confiants quant au développement (63%), à la pérennité et à la croissance (61%) de l’entreprise et en sa capacité d’innovation (58%), même en période de crise.
Travailler en famille, au niveau des dirigeants comme des salariés, a des impacts positifs sur la famille ET sur l’entreprise :
- Diriger une entreprise dans un contexte familial est perçu comme un avantage dans le cadre privé par 3/4 des dirigeants d’entreprise familiale.
- Et travailler en famille est perçu comme un avantage dans le cadre privé par 2/3 des salariés travaillant avec des proches.
Toutefois, les salariés sont moins confiants s’ils travaillent en famille. En effet, ils sont relativement moins confiants en la santé financière de l’entreprise (65% contre 76% pour ceux qui ne travaillent pas en famille). Si l’entreprise rencontre des difficultés, les salariés pourraient craindre un licenciement pour eux et/ou le membre de leur famille. Les conséquences seraient alors préjudiciables au niveau non seulement individuel mais aussi familial.
La crise sanitaire, un accélérateur d’innovation ? Elle a bousculé le monde du travail et son organisation
Les entreprises ont beaucoup misé sur les salariés en les fidélisant (92% en 2021 contre 85% en 2019) et en maintenant les emplois en télétravail ou en chômage partiel. De nouveaux talents (79% en 2021 contre 71% en 2019) ont été recrutés pour développer le digital dans toutes ses formes (e-commerce, réseaux sociaux, site web, référencement etc…), développant ainsi l’inclusivité de leur démarche commerciale tout en innovant.
80% des entreprises familiales interrogées considèrent avoir été beaucoup plus performantes dans leurs capacités d’innovation (contre 53% en 2019) pendant la période du COVID. Cette démarche renforcée d’innovation se reflète notamment dans les investissements en R&D et dans les projets entrepreneuriaux des membres familiaux. Une fois le choc passé suite aux annonces gouvernementales, elles ont su rebondir et trouver des solutions rapides pour s’adapter à la situation.
Une culture d’entreprise forte, renforcée par l’entrepreneuriat
Les entreprises familiales connaissent un changement plus important dans la culture d’entreprise par rapport aux entreprises non-familiales, et ceci quelques soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise :
- la culture familiale diminue légèrement par rapport au premier Observatoire (52% en 2021 contre 64% en 2019),
- alors que la culture entrepreneuriale augmente (49% en 2021 contre 25% en 2019),
- ce qui est également le cas de la culture de la communication (41% contre 36%)
- et de la culture de l’innovation (28% contre 26%).
La culture entrepreneuriale est soutenue par la culture familiale avec des investissements en faveur des projets entrepreneuriaux des membres de la famille (17% en 2021 contre 11% en 2019), qui ont autant leur place que le financement de la R&D (16% en 2021 contre 21% en 2019). Le soutien financier apporté à l’entrepreneuriat intergénérationnel est encouragé par la présence des membres familiaux aux postes de direction opérationnelle.
Pour alimenter cette culture entrepreneuriale au sein de l’entreprise, les dirigeants favorisent l’entraide entre les salariés (75%) en valorisant ceux qui prennent des initiatives sans craindre les échecs (66%).
Une évolution moins favorable concerne le développement de nouveaux marchés, très impacté par la crise COVID (51% en 2021 contre 77% en 2019). Dans le détail, cela représente une forte diminution :
- pour les entreprises familiales (47% en 2021 contre 75% en 2019)
- et pour les entreprises non familiales (53% en 2021 contre 79% en 2019).
Ceci est certainement dû à la fermeture des commerces non essentiels et des frontières, aux mesures de confinement, de couvre-feu et de déplacements restreints.
Les entreprises familiales revendiquent un engagement responsable plus important
Face à la crise COVID, 81% des dirigeants (EF et ENF) pensent avoir été plus performants dans leur politique RSE en 2021 (contre 63% en 2019). Les entreprises savent désormais qu’elles sont scrutées et jugées sur leur impact environnemental et sociétal. Cependant, la RSE devrait être envisagée comme un levier de compétitivité et pas seulement comme un outil de communication ou marketing. Les entreprises familiales sont les plus avancées sur ces sujets. Elles ont depuis toujours construit un modèle durable grâce à leur impact positif sur le développement économique local, l’emploi et l’environnement.
C’est ainsi que l’engagement responsable (50% EF contre 36% ENF) et le bien-être au travail (73% EF contre 52% ENF) sont particulièrement revendiqués par les entreprises familiales comme des priorités par rapport aux entreprises non-familiales. Par ailleurs, les nouveaux actionnaires familiaux arrivés au sein des instances de gouvernance d’entreprises familiales sont très attentifs à cette transformation.
Des perceptions divergentes de la réalité de l’entreprise entre les dirigeants et les salariés
Les dirigeants se berçent-ils d’illusions ? Dirigeants et salariés s’accordent sur le fait que la performance de leur entreprise est positive en matière de :
- qualité des relations clients,
- fidélisation des talents,
- croissance du chiffre d’affaires,
- développement personnel des salariés,
- politique RSE, attractivité,
- et capacité d’innovation.
Néanmoins, des contrastes de perception sont présents par rapport à tous les indicateurs de performance perçus, évalués dans l’enquête. La performance globale de l’entreprise est perçue plutôt positivement par les salariés, même si de manière moins enthousiaste que par les dirigeants. Des perceptions plus contrastées se font jour en matière de gestion des ressources humaines :
- attractivité (58% des salariés l’évaluent positivement contre 79% pour les dirigeants),
- et fidélisation des talents (59% des salariés l’évaluent positivement contre 92% pour les dirigeants).
Dirigeants et salariés n’ont pas accès au même niveau d’information, ils ne vivent pas l’entreprise de la même manière au quotidien et n’ont pas les mêmes objectifs, ces différences de perception sont donc normales.
Des salariés sceptiques mais heureux de travailler dans une entreprise familiale
De même, les salariés sont plus sceptiques quant à la performance de leur entreprise en matière de politique RSE, qu’ils perçoivent positivement pour 64% d’entre eux contre 81% des dirigeants. La seule dimension de performance par rapport à laquelle les salariés se montrent plus positifs que les dirigeants est le développement international de l’entreprise (perçu positivement par 65% des salariés contre 22% des dirigeants).
D’un point de vue familial, pour les salariés, travailler en famille est perçu largement comme un avantage (63%) pour des raisons pratiques d’organisation. Ils notent :
- plus d’entraide lors des périodes de forte charge de travail (45%),
- une gestion quotidienne familiale plus pratique (35%),
- et des liens familiaux renforcés (32%).
De plus, travailler en famille facilite la diffusion des savoirs professionnels (45%), renforce la fidélité à l’entreprise (43%), la transmission de l’histoire de l’entreprise (43%) et de l’histoire familiale (40%), et augmente la motivation professionnelle (36%).
Par ailleurs, 72% des salariés travaillant en famille envisagent de manière confiante l’avenir de leur famille au sein de l’entreprise dans les 5 prochaines années, notamment quant à la pérennité de leur emploi (64%). Ce sentiment est plus présent chez les jeunes managers de 25 - 34 ans travaillant dans des PME et ayant 6 à 9 ans d’ancienneté. Néanmoins, ces avantages n’occultent pas toutefois la menace que le travail en famille représente sur la frontière vie privée / vie professionnelle (pour 65% des salariés).
Des dirigeants confiants malgré des risques de tensions
Quant au fait de diriger dans un contexte familial, cela procure :
- une proximité avec les salariés selon 88% des dirigeants,
- une meilleure qualité de vie au travail pour 83%,
- et une communication interne plus facile pour 72%.
83% des dirigeants d’entreprise familiale envisagent avec confiance l’avenir de leur famille au sein de l’entreprise dans les 5 prochaines années. Le taux des répondants «tout à fait confiants » a augmenté de 15 points entre 2019 et 2021. 97% des dirigeants de PME interrogés se disent globalement confiants contre 81% des dirigeants de TPE.
De surcroît, plus le chiffre d’affaires de l’entreprise est élevé, plus les dirigeants sont optimistes (93% des entreprises avec un CA supérieur à 10M€, dont 56% « tout à fait confiants »).
Les risques de tension entre les membres de la famille sont davantage présents à l’esprit des salariés que des dirigeants d’entreprises familiales. Recruter un autre membre de la famille - ou ne pas le recruter, le faire évoluer, le licencier ou le voir quitter volontairement l’entreprise, tout comme avoir des divergences de point de vue sur l’avenir de l’entreprise, constituent autant d’événements possibles, à même de créer des tensions. Là où les dirigeants imaginent ces tensions possibles autant au sein de la famille qu’au sein de l’entreprise, les salariés les projettent surtout au niveau des relations avec l’entreprise.
Par exemple, l’entrée de membre(s) de la famille est associée à une expérience difficile pour 42% des salariés interrogés surtout pour ceux en posture d’encadrement (33%). De leur point de vue, ce type de recrutement peut créer en interne un sentiment de népotisme ou de favoritisme : 23% des salariés le ressentent encore aujourd’hui et 19% seulement au moment du recrutement.
Pour les dirigeants d’entreprises familiales, plus l’entreprise traverse les générations, plus le risque de conflits familiaux augmente car le nombre d’interlocuteurs et le nombre de rôles possibles que chacun d’eux peut exercer en lien avec l’entreprise augmentent. Or, les résultats de l’Observatoire montrent qu’une entreprise familiale sur deux, à partir de la deuxième génération et plus, se dit plutôt confiante.
Les entreprises familiales se trouvent à un tournant en matière de gouvernance
L’époque où les descendants de la famille fondatrice accédaient directement aux postes de direction est en passe d’être révolue dans la majeure partie des entreprises familiales. Les dirigeants actuels prennent la mesure des difficultés inhérentes à la reprise de l’entreprise familiale.
- En 2019, 8 dirigeants d’entreprises familiales sur 10 souhaitaient transmettre la propriété et la direction opérationnelle de l’entreprise à un ou plusieurs membres du cercle familial.
- Aujourd’hui, seulement 6 dirigeants sur 10 le souhaitent et à plus forte raison s’il y a des membres familiaux qui y travaillent déjà. Les résultats de l’Observatoire montrent également qu’il y a environ 6 fois plus de dirigeants qui pourraient confier la propriété de l’entreprise à un ou plusieurs salariés et 7 fois plus pour la direction opérationnelle, par rapport à 2019.
L’attachement à l’entreprise est beaucoup plus fort chez les dirigeants lorsqu’ils travaillent pour un groupe familial.
Parmi eux, 97% se reconnaissent massivement dans l’esprit familial qui est propre aux entreprises familiales. L’attachement à l’entreprise est soutenu par la transmission et la communication autour des valeurs fortes comme la confiance mutuelle (86%) et les relations entre collègues (77%).
Travailler pour les entreprises familiales engendre un impact positif sur la dimension relationnelle comme élément d’ancrage et de stabilité dans l’entreprise :
- proximité avec les salariés (88%),
- qualité de vie au travail (83%),
- communication interne (72%),
- management (68%).
La France est la championne européenne de l’actionnariat salarié selon les derniers chiffres de Fédération européenne de l’actionnariat salarié de 2020. 3 millions de personnes sont actionnaires de leur entreprise. C’est une tendance qui se confirme encore aujourd’hui et qui n’est pas affectée par la crise sanitaire.
Pourtant, les résultats de l’Observatoire montrent que l’ouverture du capital aux salariés aurait un impact plutôt neutre pour 64% des dirigeants et 53% des salariés ; son impact est reconnu comme positif par 24% des dirigeants et 35% des salariés. Dans cette démarche, ceux qui investissent le plus sont :
- les professions intermédiaires (44%),
- dans l’industrie (48%),
- avec des responsabilités d’encadrement (48%).
Les résultats de la deuxième édition de l’Observatoire national de l’entrepreneuriat familial, présentés ce matin lors de la table-ronde montrent avec clarté la résilience des entreprises familiales en cette période de pandémie. L’entreprise familiale apparaît plus que jamais comme une organisation réunissant des familles d’entrepreneurs et de salariés qui oeuvrent ensemble, parfois depuis plusieurs générations, au service de la pérennité et de la croissance de l’entreprise familiale.
Méthodologie de l’enquête
L’enquête OpinionWay pour Audencia est basée sur une étude réalisée auprès de deux échantillons : d’abord 500 dirigeants d’entreprises de 10 salariés et plus, dont la moitié pilote des entreprises familiales, et le second échantillon concerne 500 salariés travaillant dans des entreprises de 10 salariés et plus.
L’échantillon n°1 a été constitué selon la méthode des quotas, selon les critères de la taille de l’entreprise, du secteur d’activité et de la région. L’échantillon n°2 a été également constitué selon la méthode des quotas, selon les de sexe, âge, région, CSP, taille d’entreprise et secteur d’activité.
Les interviews ont été réalisées du 8 mars au 9 avril 2021.