Dans l’ouvrage «Explorer la flexibilité des nouveaux modes d’organisation du travail», co-coordonné par Sébastien Tran, Akim Berkani décrypte comment la flexibilité s’impose comme une nouvelle norme et interroge les défis de sa mise en œuvre, du développement des compétences et des transformations culturelles
Comment faire de la flexibilité un véritable moteur de performance durable ? Quels équilibres trouver entre souplesse et engagement collectif ? Quelles attentes expriment les jeunes générations sur ces sujets ?
Dans cet article, nous explorons 5 questions clés pour mieux comprendre les enjeux, les bénéfices et les limites des nouveaux modèles de travail flexibles.
1. Quel impact la flexibilité des nouveaux modes d'organisation du travail a-t-elle sur la motivation et l'engagement des salariés à long terme ?
La flexibilité peut être un levier de motivation et d’engagement, à condition qu’elle soit bien pilotée. En offrant plus d’autonomie et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle, les entreprises renforcent la satisfaction des collaborateurs et réduisent l’absentéisme. Cependant, une flexibilité excessive ou mal cadrée peut conduire à un sentiment d’isolement, une dilution du collectif et une difficulté à maintenir un engagement fort sur le long terme. L’enjeu est donc de structurer des modèles flexibles tout en conservant des rituels collectifs et des points de repère clairs pour les salariés.
2. Comment les entreprises peuvent-elles trouver le bon équilibre entre flexibilité et maintien d’une culture d’entreprise forte ?
L’équilibre repose sur la capacité des organisations à allier autonomie individuelle et dynamique collective. Pour cela, plusieurs leviers sont essentiels :
• Maintenir des rituels communs, que ce soit en présentiel (journées de rassemblement, événements d’équipe) ou à distance (points réguliers, espaces de partage informels).
• Définir des valeurs et une vision forte, qui dépassent les simples modalités de travail et créent un sentiment d’appartenance durable.
• S’appuyer sur le management intermédiaire, qui joue un rôle clé dans la transmission de la culture d’entreprise et la régulation entre flexibilité et engagement collectif.
• Veiller à l’équité entre les collaborateurs, en évitant une flexibilité à plusieurs vitesses qui créerait des inégalités perçues.
3. Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises font face lorsqu'elles mettent en place des modèles de travail hybrides ou flexibles ?
Nous identifiions deux défis clés :
1. Manager l’individualisation et la diversité des attentes :
• Avec la montée en puissance de la flexibilité, les collaborateurs attendent des modèles de plus en plus personnalisés : choix du lieu de travail, des horaires, des missions…
• Cette individualisation croissante peut créer des défis de coordination pour les managers et rendre plus complexe la gestion des équipes.
2. Adapter l’appareil productif aux tendances et aux fluctuations du marché :
• Les entreprises doivent ajuster leur modèle organisationnel en fonction des cycles économiques et des évolutions sectorielles.
• Une trop grande rigidité dans l’organisation du travail peut freiner l’agilité nécessaire pour répondre à des variations de demande ou des mutations stratégiques.
• L’enjeu est de développer une flexibilité maîtrisée, en s’assurant que les équipes restent opérationnelles et engagées malgré ces ajustements.
Les entreprises doivent donc concevoir des modèles hybrides qui allient souplesse pour les collaborateurs et robustesse pour l’organisation.
4. Pensez-vous que la flexibilité du travail peut améliorer la performance des entreprises, ou y a-t-il des limites à ne pas dépasser ?
Oui, la flexibilité est un levier de performance organisationnelle et humaine. En favorisant l’engagement et la satisfaction des salariés, elle améliore la productivité individuelle, réduit le turnover et favorise l’innovation. Cependant, son impact dépend de la capacité de l’entreprise à la piloter intelligemment.
Les limites à ne pas dépasser ?
• Déséquilibre collectif : Une flexibilité excessive peut affaiblir le sentiment d’appartenance et nuire à la dynamique d’équipe.
• Charge mentale accrue : Sans cadre clair, certains collaborateurs peuvent ressentir une pression plus forte (hyperconnexion, difficulté à déconnecter).
• Équité interne : Les entreprises doivent veiller à ce que tous les collaborateurs bénéficient de solutions adaptées, sans créer de nouvelles formes d’inégalités.
L’enjeu n’est pas tant d’offrir "plus de flexibilité", mais de garantir une flexibilité bien cadrée et alignée avec les besoins des collaborateurs et des objectifs de l’entreprise.
5. Voyez-vous des différences entre les attentes des jeunes générations et celles des générations plus anciennes en matière de flexibilité au travail ?
Les jeunes générations exigent une flexibilité élargie, bien au-delà du télétravail et des horaires aménagés. Elles recherchent des missions diversifiées, des parcours évolutifs avec rotations ou slashing, et une autonomie accrue sur leur organisation du travail. La flexibilité managériale est également clé : elles souhaitent pouvoir changer de manager ou évoluer vers des modèles de leadership plus horizontaux. Pour rester attractives, les entreprises doivent repenser leurs modèles RH et proposer des trajectoires plus modulables.